Eglise Saint Saturnin de Palairac
La Vierge à la bille
La matière reconstituée ou la Pierre naissante ?
Après une
interprétation de la
fresque, voici une interprétation
alchimique (
1) de cette statue de la
Vierge.
C'est la beauté de cette statue, liée au qualificatif -sublime- qui
donnerait la clef de l'opération représentée : la Sublimation.
Tout le monde sait que la sublimation représente une élévation de la
matière (mater) en vapeur. Voilà pourquoi cette statue n'est pas posée
sur un support mais serait sustentée en l'air par un motif conique (
2)
garni de feuilles de chêne. Le choix de ce motif végétal ne devrait
rien au hasard. Des sarments de vigne ou de l'acacia robinier auraient
eu le même rôle.
Ils représenteraient des sources possibles d'un des composants du "feu
secret" : la cendre (
3).
Comme ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, la coiffe de la
Vierge, en forme de coquille (
4),
montrerait l'origine de l'autre
composant de cet adjuvant. A noter que la coquille du bénitier aurait
exactement la même signification. C'est la réunion de ces deux
constituants qui donne à l'agent "secret" toute sa puissance (
5).
Le feu secret est sensé permettre l'élévation en vapeur des composants
de la matière représentée par la boule crucifère. Le lecteur pourra se
reporter à quelqu'ancien traité de chimie pour découvrir ce que ce
symbole peut représenter. Mais attention, certains symboles étaient
parfois introduits pour induire en erreur...
Pour les Alchimistes, la conjonction par sublimation réunit les
constituants de la "materia prima" volatilisés grâce au feu secret. Cet
agent leur aurait déjà permis de séparer ces trois principes. En fait,
selon eux, l'agent dissocie et réunit.
C'est notamment cette conjonction en phase vapeur qui distinguerait
l'alchimie de la chimie, puisqu'une opération de ce genre, sans apport
calorique extérieur, est réputée impossible.
La ceinture de la Vierge, qui part du côté de la boule crucifère pour
se séparer devant son abdomen en trois plis, qui se réunissent de
nouveau sous le bras portant la petite bille, marquerait ces deux
opérations successives sur la matière : la séparation en trois
principes (appelés Soufre, Sel, Mercure) et la conjonction ou réunion
de ces trois composants en cinabre "artificiel".
La bille représenterait la matière reconstituée ou Pierre naissante,
par conjonction de ses trois principes séparés, sous sa forme visible
d'apparition : au sein des vapeurs, de minuscules billes (
6) se
forment et prennent consistance. Elles vont chuter sur leur terre
d'origine qui deviendra leur nourrice (ou mère).
La main droite de l'enfant Jésus tiendrait la pincée de sel nécessaire
à l'opération pour une cuisson "à poing". Sa main gauche posée sur le
ballon serait en rapport avec ce que certains appellent tour de main.
Sa qualité de tout-petit marquerait la simplicité et la pureté
nécessaire à l'activation de ce feu. Le divin Enfant touche ici des
doigts au "secret" qui ferait de certains de véritables Souverains ou
Rois du Monde (origine du prénom Raymond).
Cette conjonction s'appelle aussi dans le langage des Alchimistes
mondification, ce qui se comprend aisément.
Notes :
(1) Cette interprétation
"hermétique", comme la précédente,
a pour but
d'essayer de comprendre la symbolique représentée en mettant en valeur
chacun des détails de l'objet. Le passé minier du village et des détails présents dans d'autres
objets (la fresque, la pierre de mission, la cloche, les caissons du
retable, ... ) permettent d'appréhender de cette
manière la symbolique de l'église, à la lumière des
croyances lors de sa réalisation. Ce n'est toutefois qu'une piste de recherche. Notons qu'une autre interprétation
alchimique de la même statue pourrait être faite dans une voie
totalement différente, prenant pour base un minéral qu'on trouve dans
la région (Sb2S3) ...
Cela sans cautionner le but des opérations présentées, nié
bien sûr par les connaissances scientifiques que nous avons
aujourd'hui, mais encore en voque
au XVIIème ou XVIIIème siècle. Soyons clair, l'Alchimie est une chimère
et aucune opération chimique sur le cinabre ou l'antimoine, aucune
opération chimique tout court, ne peut aboutir à une transmutation ou
ne permet la captation d'un hypothétique "principe" utile en terme de
transmutation. La prise en compte d'un agent non matériel ("spirituel") agissant sur la matière n'est pas plus envisageable.
Il se peut aussi que toute cette symbolique alchimique ne soit qu'un
subtil effet
du hasard, que personne n'ai jamais eu l'intention que les objets
représentés soient compris de la sorte ... et que d'une manière
générale rien "d'alchimique" ne concerne Palairac...
(2) Selon A.
J. Pernety, dans son "Dictionnaire Mytho-Hermétique", Konis
signifie Cendre...
(3) riche en carbonate de
potassium.
(4) calcinée, donnait autrefois la chaux
vive.
(5) dans le passé c'était la méthode traditionnelle de création de la potasse caustique.
(6) Laissez tomber du mercure à terre :
il se divisera en de
multiples petites billes.